"The Chosen" : voir pour y croire ?
Paris Notre-Dame du 28 mars 2024
Alors que la saison 4 de The Chosen sera bientôt diffusée sur C8 et disponible en DVD et VOD, le P. Denis Dupont-Fauville décrypte pour nous l’intérêt catéchétique, les atouts et les limites de cette série au succès retentissant sur la vie de Jésus.
Voici une série qui commence sur une idée « banalement américaine » : croiser l’histoire la plus connue du monde, celle des Évangiles, et le moyen de diffusion le plus populaire aujourd’hui, la série TV. Après des débuts modestes, au point que le producteur dut recourir au financement participatif pour pouvoir arriver à diffuser les premiers épisodes fin 2017, les chiffres parlent aujourd’hui d’eux-mêmes : alors que les spectateurs découvrent la quatrième des sept saisons prévues, The Chosen est diffusé à la télévision, au cinéma et sur le net, dans le monde entier. Ses épisodes ont été vus plus de 600 millions de fois via l’application gratuite qui porte son nom, doublés en 50 langues (et sous-titrés en 600 !), distribués dans 175 pays et même retransmis sur des télévisions françaises (C8, My Canal, Netflix). Rien qu’au cinéma, elle constitue une des œuvres les plus rentables de la décennie, sans compter les DVD, vêtements et ouvrages dérivés. La production a déjà collecté plus de 100 millions de dollars américains. Littéralement, un phénomène mondial. Et très souvent, la première occasion de contact pour des jeunes – ou moins jeunes – avec l’histoire du Christ.
Malgré ce succès, quelque chose de l’atmosphère artisanale des débuts imprègne encore l’histoire qui nous est racontée. D’épisode en épisode, une bande d’amis nous introduit aux aventures du groupe gravitant autour de Jésus, que nous accompagnons nous aussi, sur une route pleine d’embranchements. Avec au moins un triple ressort. D’abord une grande fidélité au texte original. Ensuite l’art de relancer le suspense d’un épisode à l’autre. Enfin et surtout, le soin tout particulier mis à étoffer les biographies des personnages : tous tournent autour de Jésus, mais chacun a sa propre vie et ses difficultés à lui, les divers acteurs incarnant toute une mosaïque de personnalités souvent attachantes. Cette sorte de midrash géant permet aussi de présenter tel ou tel problème spirituel, de montrer à quel point le Christ était proche des gens dans leur vie concrète et éventuellement de résoudre, de façon astucieuse, telle ou telle question soulevée par le récit évangélique. Nous voici obligés de considérer Jésus dans sa réalité historique, de réfléchir à la façon dont il nous rejoint, de poser des questions à un récit que nous croyions connaître.
Toutes ces remarques montrent comment la série The Chosen peut se révéler un instrument de catéchèse exceptionnel, à condition toutefois de ne pas tout prendre au premier degré et de ne pas être dupe de certains biais. Non seulement certaines accolades ont des allures bien américaines (!), mais il est clair par exemple que ce qui touche la hiérarchie ou la mise en place des sacrements est « lissé » pour convenir aussi bien aux protestants qu’aux catholiques [1]. Autant que possible, la série gagnera à être vue en groupe et discutée ensuite [2], pour que chacun prenne mieux conscience des problématiques abordées, voire discerne ce qui est propre ou non à l’Évangile. Selon un paradoxe qui n’est pas des moindres, ce spectacle conçu pour répondre à nos modes de consommation individuels ne dévoile toutes ses dimensions que lorsqu’il est accueilli en commun : à l’image du groupe qui se constitue sur les écrans autour du Christ, les spectateurs se découvrent alors communauté intensément privilégiée [3].
P. Denis Dupont-Fauville
[1] Il sera bien sûr intéressant, à cet égard, de voir comment seront montrées Passion et Résurrection.
[2] Au-delà des visionnages individuels, l’expérience de beaucoup d’éducateurs montre comment un rythme régulier de projections et discussions aide à grandir en familiarité avec le Sauveur.
[3] Pour reprendre deux acceptions simultanées du titre anglais, L’Élu mais aussi Les Choisis
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